On est en forêt, je porte Clara sur mon dos. Ses bras autour de mes épaules, ses mains s'accrochent fermement à mes bretelles : "Hé maman, je me tiens à tes ailes, d'accord ?"
Dernier jour de Denis au bureau (avec l'équipe de la rédaction, en tout cas).
Comme rien ne semblait s'organiser pour un dernier drink d'au revoir après plus de 30 ans de boutique, les Mousquetaires ont fait avec les moyens du bord : Super Jé a préparé les affiches, tandis qu'Helena et moi – coiffées des plus beaux chapeaux de la Saint Patrick – en avons placardé une vingtaine dans tout l'étage.
Et on est prêt à payer la récompense pour qu'il reste...
Rédacteur en chef : responsable de la rédaction, pour le meilleur et pour le pire... Voilà, j'ai eu le meilleur, et c'est fini. Aujourd'hui, dernier journal avec Denis, qui part à la retraite à la fin de l'été. Gros bourdon...
Ca fait plus de quatre ans que je travaille avec lui, et celui qui a eu l'idée de nous réunir a eu du flair : dès le premier jour, le duo belgo-irlandais a trouvé ses marques, et au fil du temps s'est instaurée une complémentarité parfaite. Il m'a donné les clés pour comprendre ce journal pas comme les autres, mi-Pravda, mi-journal de Mickey, il m'a fait confiance et surtout, surtout, on n'a jamais cessé de s'amuser en préparant le journal. Il fallait nous voir le mercredi midi rallonger les titres ou le chapeau, rédiger les légendes et surtout couper, couper, couper les lignes qui ne rentrent pas : deux gamins qui cherchent la solution du puzzle et qui ne dissimulent pas leur plaisir quand elle s'impose à coups de ciseaux virtuels !
Je sais que je regretterai longtemps son français birkinien ("je te mis le copie sur le table"), son sens de la démesure (à croire qu'il venait de Marseille, pas de Dublin), son comique de répétition, ses prises des bec avec Christiane (qui s'occupait de la mise en page avant Kate et Double J, et avec laquelle il formait un couple à la Taylor-Burton), ses retards légendaires, sa mauvaise foi crasse, son entêtement, ... Mais je suppose que c'est le propre des gens exceptionnels, on aime même leurs défauts, ces petits îlots perdus dans un océan de gentillesse, d'attention(s), d'humour, de discrétion, de disponibilité.
Ca devient une tradition : à l'approche des beaux jours, Mamy me fait la leçon par téléphone tous les trois soirs environ. "Elle va avoir chaud, cet été" - "Et puis, c'est bon de couper les pointes, ses cheveux seront plus costauds"... En général, après deux ou trois semaines, je finis par me rendre à ses arguments, parce que la frange de Clara finit par lui chatouiller les narines et que Cromi est totalement réfractaire à tout ce qui ressemble à une pince, une barrette ou un élastique dans ses cheveux.
Donc, voilà, la coupe 2009, appelée aussi "quand je serai grande, moi aussi j'aurai un zizi" - je cite...